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GAZA N ° 48 : GAZA… Et LE MOYEN-ORIENT PLONGENT DANS L’INCONNU ?

Pr. Abdelmoughit Benmessaoud Tredano 

     Professeur de science politique et géopolitique

    Université Mohammed V - Rabat

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Indicible, innommable, arrogante, méprisante…, l’attitude du président de la première puissance mondiale vis-à-vis du monde arabe.

Morgue, condescendance, suffisance et vanité sont les traits saillants du magnat de l’immobilier…

On peut multiplier à l’infini les qualificatifs et les substantifs et il serait difficile de cerner la nature, la mentalité et le caractère d’un personnage imprévisible, impétueux, fougueux et violent…

Apparemment, rien ne l’arrêtera.

Plus tu montres des signes de faiblesse, plus ses demandes deviennent extravagantes, capricieuses et farfelues…

A-t-il une logique ?

A-t-il une cohérence ?

Est-on devant une personne normale ?

Que dire de cette attitude qui sort de l’entendable ?

Un constat amer, tragique et douloureux pour les peuples arabes.

Une évolution préjudiciable au monde arabe.

En effet, on a constaté que depuis l’attaque du 7 octobre, on est passé de la situation où la question palestinienne a été rétablie dans les agendas des chancelleries des grandes puissances, à la discussion portant sur comment procéder à la déportation de la population de Gaza ?

Tragique cheminement ?

Que faire ?

I. AUX ORIGINES DE LA DÉLIQUESCENCE DU MONDE ARABE

Les causes :

1.L’histoire ancienne (les croisades) et récente ont fait de cette région, une géographie mouvementée et un espace objet de toutes les convoitises;

2.L’Occident a fait du Moyen-Orient une zone à occuper, à dominer, à exploiter et piller ..et ce depuis la découverte du premier puits pétrolier en Iran en 1908;

3.La faillite des systèmes politiques arabes (d’obédience nationaliste , pan arabe, communiste et libérale) a contribué aux différentes défaites depuis 1948.

Par ailleurs, en plus les accords franco-britanniques Sykes-Picot (1916), la déclaration du lord Arthur Balfour (1917) le mandat de la SDN (1919) et la politique britannique d’émigration en faveur des Juifs –opportunément rappelé par un historien émérite Arnold J. Toynbee - pratiquée en Palestine ont fait le reste .

II. UN ORDRE MONDIAL EN MIETTES : LE GRAND CHAMBARDEMENT

*Le multilatéralisme est rangé au rancart ;

*Le pillage sans vergogne des richesses des autres pays est érigé en politique étrangère ;

*L’adoption d’une politique de sanctions comme instrument de diplomatie ;

*Le mépris comme posture normalisée avec les autres États est devenu une règle générale.

« Pourquoi Trump met la hache dans l’ordre mondial » se demande un journaliste canadien ? [1].

Il ajoute que « les États-Unis prendraient le contrôle de Gaza. L’administration Trump s’éloigne de l’ONU et sabre dans l’aide étrangère. Le président utilise la menace pour soutirer des concessions à d’autres nations, même à ses alliés. Voilà où nous en sommes.

Est-ce la fin de l’ordre international hérité de la Seconde Guerre mondiale »?

« L’ordre mondial d'après-guerre est non seulement obsolète, c’est aussi une arme utilisée contre nous ».

Cette phrase sibylline est de Marco Rubio , prononcée lors de son passage devant le Sénat à la dernier mi-janvier pour sa confirmation dans le poste de secrétaire dEtat .

Dans le même sens , Thomas Friedman , chroniqueur confirmé de The New York Times qui est loin d’être un sympathisant de la cause arabe et palestinienne déclare pouvoir

« …affirmer, sans hésitation aucune ,que le projet de Trump est le projet de « paix » le plus dangereux est le plus fou qu’un président américain ait proposé .. ».[2]

Ce qui explique l’agressivité de la nouvelle administration contre les organisations internationales (traduite par le retrait américain de certaines organisations internationales), les revendications territoriales américaines (le Canada, Greolend , le canal du Panama et Gaza ..,)et sa propension à imposer des sanctions, des droits de douane et décréter des anathèmes à tour de bras…

Le monde arabe en général et le peuple palestinien sont dans le collimateur.

III. LA DÉCOMPOSITION DU MONDE ARABE

Dans un dossier d’une douzaine d’articles sur le Moyen-Orient, à la lumière de la normalisation, j’ai souligné, entre autres, le constat suivant :

Trois puissances, en l’occurrence Israël, l’Iran et la Turquie se partageraient les débris d’un monde arabe en pleine décomposition.

En effet, la politique extérieure, avec une certaine logique expansionniste,de ces trois pays a conduit à cet état de fait [3].

Israël depuis 1948/49 , l’Iran depuis 1979 et la Turquie depuis l’arrivée du PJD d’Erdogan au début des années 2000.

Toutefois, la déliquescence de ce monde n’est pas le produit d’une action concertée de ces trois puissances régionales.

Il est le résultat d’une dynamique et d’un volontarisme interne ayant comme objectif une projection fulgurante au niveau international.

Par ailleurs, la décomposition de ce monde n’est pas aussi dictée par les mêmes considérations, les mêmes motivations idéologiques, religieuses et historiques qui leur sont communes .

Mais , il se trouve que les trois puissances ont un compte à solder avec le monde arabe.

Autre point à ne pas négliger : la faillite des élites gouvernantes arabes a facilité grandement la tâche à ces puissances conquérantes.

Aujourd'hui, suite à l’attaque du 7 octobre, l’Iran est provisoirement écarté, la Turquie s’implante sérieusement en Syrie et opère et prospère un peu partout en Méditerranée et en Asie centrale et enfin Israël commence à réaliser son grand dessein : Le grand Israël.

L’Amérique qui a commencé à se retirer relativement du Moyen-Orient au temps d’Obama (2ᵉ mandat) en confiant la gestion des conflits de la région aux alliés locaux , revient avec force d’abord avec Joe Biden et davantage avec Trump.

Pour quoi faire ?

Pour permettre à Israël de réaliser ce qu’elle n’a pas pu réaliser depuis 1948 :

S’imposer comme puissance dominante dans une géographie arabe éclatée et avec une complicité des élites gouvernantes arabes avérée et une communauté sans aucune perspective historique .

Que faire face à ce danger existentiel d’un certain nombre de pays arabes ?

On peut attendre Godot !!

Pourquoi ?

Deux sommets du monde arabo-musulman, réunissant au total 57 pays , organisés en novembre 2023 et novembre 2024 ont été décidés un mois avant la date de leur tenue.

Objectif non déclaré : donner du temps à Israël pour en finir avec le Hamas.

Preuves si besoin : les 57 pays n’ont pas réussi ou voulu ou pu faire rentrer une bouteille d’eau, un litre de fuel et un médicament !!

Aujourd’hui, on vient de décider le 9 février de réunir un sommet extraordinaire d’urgence pour le 27 février.

URGENT !

Mais le 27 février !!

Entretemps, Trump convoque les dirigeants des deux pays directement concernés (la Jordanie et l’Egypte ) pour les faire plier ...

Deux attitudes sont possibles .

* Partant de la démission totale du monde arabe observée durant les 15 mois de massacres , on peut imaginer qu’il accepterait, sans rechigner , toute action visant la déportation de la population de Gaza …

L’attitude du roi de Jordanie à Washington (11 février ) lors de sa rencontre avec Trump est très révélatrice.

*Comme on peut imaginer , craignant pour leur trône et leur pouvoir , ces pays ,menacés dans leur existence même , peuvent avoir le sursaut lié à l’instinct du survie.

Le sommet arabe du 27 février prochain serait le dernier révélateur…

Il reste une question cruciale.

En supposant que le monde arabe se soumette , que le reste du monde détourne le regard, comme ça a été le cas durant les 15 mois de massacres et d’extermination, comment peut-il mettre en application un tel projet diabolique et génocidaire sur le terrain ?

Surtout que l'on a pu voir l’attachement de la population de Gaza à sa terre lors du grand retour du Sud au Nord du territoire effectué il y a quelques jours.

LA GUERRE TOTALE

Donc, il n’y a pas trente-six solutions, il y a une seule : la guerre totale.

Trump va la confier aux Israéliens…

Ceux qui ont fait 15 mois de massacres, feront davantage, surtout en bénéficiant de la couverture et du soutien américains plus importants et de la surdité du reste du monde et donc d’un précédent…

Alors que d’autres pays, pour des raisons différentes et des motifs variés, le Mexique, la Colombie, le Canada le Panama et le Danemark ont ,plus ou moins, résisté aux dictats américains.

Par ailleurs, Cuba résiste depuis 1960 et le Venezuela d’Hugo Chávez depuis début 2000.

L’homme de la Révolution française Maximilien Robespierre disait : « Les peuples n’aiment pas les missionnaires armés ».

L’Occident a dominé, depuis 15ᵉ siècle, le reste du monde.

Aujourd’hui, à la faveur de nombreux conflits et de tout le processus de décolonisation, ce monde qui était sous le joug colonial, est politiquement libre après des décennies de soumission.

Aucune occupation ni domination n’est éternelle.

Le peuple palestinien qui a résiste depuis 76 ans et qui , durant le génocide de Gaza , a fait montre d’une résistance et d’une résilience légendaires peut encore une fois apporter la preuve éclatante de son attachement viscéral à sa terre.

13 février 2025

________________________________________

[1] Yanik Dumont Baron

https://ici.radio-canada.ca/.../trump-ordre-mondial...

[2] https://www.aljazeera.net/politics/

2025/2/12/%D8%AA%D9%88%D9%85%D8%A7%D8%B3-%D9%81%D8%B1%D9%8A%D8%AF%D9%85%D8%A7%D9%86-%D9%87%D8%B0%D8%A7-%D9%87%D9%88-%D8%A3%D9%83%D8%AB%D8%B1-%D9%85%D8%A7-%D9%8A%D8%AB%D9%8A%D8%B1-%D8%A7%D9%84%D8%B1%D8%B9%D8%A8

[3] Pour plus de détails sur cette évolution voir notre étude , intitulée :

Désagrégation et déliquescence du monde arabe ?

La normalisation comme accélérateur.

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