Résumé:
L'Egypte, à l’instar des pays arabes, a connu un bouleversement politique de grande envergure suite à l’avènement du printemps arabe qui a secoué toute la région. Le mouvement de révolte en Egypte a réussi à mettre fin au régime de Hosni Moubarak après des années d’oppression et d’autoritarisme, avec l’élection de Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, comme premier président civil du pays élu démocratiquement. Mais cette brève expérience démocratique va très vite s’achever avec réinstallation de la dictature militaire d’Abdelfattah Al-Sissi qui va réprimer toute tentative de changement, en sombrant le pays dans le chaos.
Abstract:
Egypt, like the Arab countries, experienced a major political upheaval following the advent of the Arab Spring which shook the entire region. The revolt movement in Egypt succeeded in putting an end to the regime of Hosni Mubarak after years of oppression and authoritarianism, with the election of Mohamed Morsi, as the country's first democratically elected civilian president. But this brief democratic experience will soon come to an end with the installation of the military dictatorship of Abdelfattah Al-Sissi who will repress any attempt at change, plunging the country into chaos.
Mots clés: Egypte, printemps arabe, révolution, régime militaire, autoritarisme
INTRODUCTION
Début de l’année 2011, un vent de liberté et de révolte a soufflé sur les pays du Maghreb et du Moyen-Orient après des années de torpeur, de léthargie et d’oppression, suite à l’avènement du printemps arabe qui a secoué toute la région.
Déclenchée en Tunisie, la contestation des régimes en place a gagné progressivement la Libye, la Syrie, le Yémen, le Bahreïn et bien particulièrement l'Égypte.
Les revendications des soulèvements qui ont pris de court des tyrans au pouvoir depuis des décennies, se rejoignent autour d’aspirations communes qui se traduisent par la contestation du “système” ou régime en place, l’appel à la justice politique et sociale, à la dignité individuelle et collective, à l’amélioration des conditions socio-éco- politiques, et à la tenue d’élections libres et pluralistes, ainsi qu’une meilleure répartition des richesses.
A l’instar des pays arabes, l'Égypte a connu un bouleversement politique de grande envergure, mettant fin au long règne autoritaire de Hosni Moubarak. En effet, sous la pression de la rue, le président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981, va démissionner et quitter le pays avec sa famille le 11 février 2011. Des élections législatives sont alors organisées et à la surprise générale les islamistes vont remporter les deux tiers des sièges des députés, un tournant phénoménal confirmé le 30 juin 2012, avec l’élection de Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, comme étant premier président civil du pays élu démocratiquement, quelques semaines seulement après le procès historique de Hosni Moubarak.
Mais cette brève expérience démocratique s’achèvera en juillet 2013 par l’arrestation et la destitution de Mohamed Morsi. Un nouveau régime autoritaire se mettra en place, celui d’Abdelfattah Al-Sissi, ancien ministre de la défense qui a été élu avec presque 97 pc des voix, établissant ainsi un record mondial de durée de la dictature militaire en Egypte.
Très vite une nouvelle constitution renforçant les pouvoirs de l’armée est adoptée par un parlement acquis à sa cause. Renforcé et appuyé, Al-Sissi va se lancer dans une féroce répression des voix dissidentes, des milliers de partisans pro-Morsi sont alors arrêtés, incarcérés et même exécutés, de nombreux opposants, militants et journalistes vont connaître le même sort à travers des détentions et des arrestations arbitraires, la disparition forcée et la torture.
Plus de 10 ans après la révolution, les aspirations démocratiques sont reléguées au deuxième plan, ouvrant la voie à une nouvelle phase d’incertitude caractérisée par la mauvaise gouvernance, le despotisme, la limitation des libertés publiques et une régression de la situation socio-économique. Ce qui a été considéré un jour comme lueur d’espoir pour un meilleur avenir démocratique, peut-il être devenu une phase plus sombre que celle précédente, menant au chaos?
L’EGYPTE SOUS LA BOTTE DES MILITAIRESDEPUIS 1952
A première vue on a l’impression que rien n’a changé en Egypte entre hier et aujourd’hui, les militaires sont toujours à la tête du pouvoir en exerçantun rôle hégémonique sur le système politique et étatique.
Depuis 1952, l’Egypte a vécu sous une constante chape de plomb, la meilleure illustration est qu’en 70 ans, le pays a été gouverné par quatre chefs d’Etat, tous des militaires, dont Hosni Moubarak qui est resté plus de 30 ans au pouvoir. Il s’agit en effet d’un régime militaire, sécuritaire, bureaucratique et policier qui gère le pays d’une main de fer depuis l'éviction du Roi Farouk et l’abolition de la monarchie.
Il faut savoir qu’en Égypte, l’Etat n’est pas la seule instance visible du champ public, il y a l’appareil militaire qui participe à sa manière à la politisation de la vie sociale et contribue significativement à la régulation de l’ordre social en s’appuyant à la fois sur le pouvoir d’injonction qui repose sur la menace, la contrainte, la coercition, l'obéissance et la domination et le pouvoir d’influence qui privilège la persuasion et la séduction. C’est ce qu’exprime le sociologue Max Weber quand il dit que le “pouvoir est toute chance de faire triompher, au sein d’une relation sociale, sa propre volonté, même contre les résistances”.
De ce fait, les militaires vont user de tous les moyens pour faire durer leur règne et étendre leur mainmise et contrôle sur la sphère politique et la machine économique, en exerçant un pouvoir absolu et ininterrompu. Leur champ d’intervention s’est élargi pour inclure non seulement le politique, le social, mais aussi l’économique.
Fondée sur une sorte d'alliance bureaucratico-militaire, l’Egypte a connu, depuis 1952, des interventions majeures des militaires dans le champ politique.
La première est la plus signifiante donnant naissance à l’un des régimes militaires les plus longs et répressifs lorsqu’un mouvement des officiers dont les auteurs étaient les officiers libres sous la direction de Gamal Abd El Nasser, va renverser la monarchie et instaurer la république en juin 1953. C’est à partir de cette date que les militaires ont commencé à établir les fondements de leur régime et les composantes d’un État militarisé.
Ce régime a perduré tout au long de la présidence de Nasser, Sadat et Moubarak jusqu’à l'avènement du printemps en 2011 suite aux protestations populaires qui ont envahi les rues.
Si plusieurs ont cru en cette révolution et ont vu dans ce mouvement protestataire avec la chute du régime Moubarak et l'élection démocratiquement de Mohamed Morsi comme président de la république le 30 juin 2012, la fin du régime militaire et le début d’une nouvelle ère démocratique, la réponse n’a pas tardé à venir lorsque le ministre de la défense Abdel Fattah Al-Sissi a déclaré la destitution du président et la désactivation de la constitution suite aux protestations populaires et l’escalade de la violence dans les rues.
“L’armée garde la main haute sur l’évolution de la situation politique et sociale après le renversement de Moubarak. Elle gère la transition vers le nouveau régime sans démocratiser le pays: la loi sur les grèves et manifestations n’autorise que les mouvements sociaux qui ne gênent pas la production”.
Dès son élection, le maréchal Al-Sissi va contrôler complètement la vie politique (parlement, élections, partis, société civile, etc.) et économique (l'immobilier, les transports et les services, les produits alimentaires…). Il faut mentionner que l’empire militaro-économique égyptien est bien connu pour sa profonde implication dans l’économie nationale, notamment après la révolution de 2011, en englobant toutes sortes de produits et de services. Une implication qui a largement impacté l’avenir politique et économique de l’Égypte
“Depuis le retour d’un président issu de leurs rangs, les militaires étendent leur emprise dans de nombreux secteurs économiques, déséquilibrant des pans entiers de l’économie”.
Sans oublier, les médias (chaînes satellites, journaux, sites Web et réseaux sociaux) et l'art (télévision, cinéma, créativité et édition) qui sont devenus sous un contrôle absolu... bref le pays a été verrouillé et des restrictions ont été imposées.
“Après la loi anti-terroriste de 2015 et celle de décembre 2016 sur la régulation des médias, les utilisateurs de réseaux sociaux qui ont plus de 5000 abonnés seront désormais quasiment considérés comme des médias et soumis aux mêmes règles, notamment en ce qui concerne la diffusion de ce que les autorités considèrent comme de fausses nouvelles”.
Suite à ces mesures qui constituent une violation flagrante du droit d'expression et de presse, de nombreux journalistes et blogueurs croupissent aujourd’hui en prison sans même avoir eu droit à des procès.
Pire encore, il va procéder à la modification de la constitution qui ne reprend pas les termes de la proposition soumise au référendum.
L'Egypte est le seul pays dont la constitution stipule que l'armée est la garante de sa sécurité et la protectrice de sa pérennité, selon l'article 200 “les forces armées appartiennent au peuple, leur mission est de protéger le pays, de préserver sa sécurité et son intégrité territoriale”. Une façon pour favoriser la consécration de la tutelle militaire sur la vie civile en Égypte.
De même, la constitution égyptienne stipule que le ministre de la défense doit être une personnalité militaire. En vertu de l'article 201, le ministre de la défense est le commandant en chef des forces armées, il est nommé parmi ses officiers. En principe les ministres doivent être civils, y compris les ministres de la défense et de la sécurité, sauf exceptions dans certaines circonstances et pour des durées limitées et bien définies avec des contrôles légaux et constitutionnels.
Et seulement cinq ans après son adoption en 2014, la constitution égyptienne va être révisée en avril 2019. L’objectif ultime de cette révision est de permettre au président Al-Sissi de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2030 au lieu de 2022 en prolongeant son second mandat de deux ans et en l'autorisant exceptionnellement à en effectuer un troisième consécutif.
“Ces amendements, qui ont modifié quatorze articles et ajouté neuf nouvelles dispositions, permettent au président égyptien de rester à la tête du pays jusqu’en 2030 et renforcent son contrôle sur le pouvoir judiciaire. Ils consacrent également le rôle politique de l’armée”.
Une autre atteinte aux droits civils sous l’ère d’Al-Sissi s’illustre à travers le jugement de civils devant des tribunaux militaires, selon le texte de l'article 204 qui donne à la justice militaire des pouvoirs très étendus qu'on ne trouve dans aucun autre pays. Après le coup d'État du 3 juillet 2013, ces pouvoirs ont été étendus de manière spectaculaire pour inclure les installations civiles telles que les hôpitaux, les universités, les écoles, les institutions gouvernementales, etc…que les forces armées placent sous protection militaire. Cela signifie que si un différend surgit entre un citoyen et l'un des travailleurs de l'une de ces institutions, le citoyen sera soumis à un tribunal militaire.
En Egypte les hauts responsables militaires jouissent de l'immunité juridique et diplomatique, de sorte qu'ils ne peuvent être poursuivis pour les crimes dans lesquels ils ont été impliqués, en particulier entre 2013 et 2016. C'est la période qui a vu le plus grand nombre d'horribles massacres dans l'histoire contemporaine de l'Égypte, comme le massacre de la Garde républicaine en juillet 2013 et les massacres des places Rabaa al-Adawiya et al-Nahda en août de la même année.
Ces dirigeants bénéficient également de l'immunité diplomatique s'ils voyagent à l'extérieur du pays, conformément à la loi n° 161 de 2018 concernant le traitement de certains commandants supérieurs des forces armées, qui a été promulguée par Abdel Fattah Al-Sissi afin de protéger les personnes impliquées dans les massacres et assassinats de manifestants durant ladite période.
“Tout au long de l’histoire de l’Egypte, les membres de l’institution militaire jouissaient d’un prestige exceptionnel et d’un statut social unique. Les facettes de l’emprise militaire sur l’appareil étatique aussi bien que sur quelques domaines sociaux sont diverses: pouvoir politique direct, propriétés terriennes et des postes dans l’administration étatique”.
Ce qu’il faut mentionner c’est que cet immense empire financier et économique de l'armée égyptienne échappe à tout type de contrôle qu'il s'agisse d'un contrôle parlementaire ou judiciaire. Personne ne sait rien de cet empire, et il n'y a aucune autorité de surveillance sur lui, y compris l'Organisation centrale d'audit, qui surveille toutes les activités économiques et financières en Égypte.
Véritable colonne vertébrale du régime, l’armée, cette institution puissante et autonome, issue d’un coup d’État militaire en 1952, assure un rôle plus que militaire:il est politique et même social.
En effet, “à côté de sa puissance (un effectif de 750.000 hommes, un budget annuel alimenté notamment par une aide militaire américaine de plus d’un milliard de dollars par an depuis la signature des accords de Camp David en 1978), l’armée, grand propriétaire foncier, contrôle de très nombreuses entreprises dans l’agro-alimentaire, la construction, l’hôtellerie…”.
L’armée joue un rôle central dans la construction de la nation égyptienne moderne. Outre son influence dans la sphère politique et économique, l’armée touche la composition sociologique de tout égyptien car elle demeure un lieu de passage obligé du parcours des hommes du pays et une institution qui fait la fierté et la grandeur des égyptiens.
RESTRICTION DES LIBERTÉS INDIVIDUELLES:
UN RÉGIME ULTRA-RÉPRESSIF
Depuis l’arrivée du président Al-Sissi au pouvoir, nous assistons à une répression sans précédent vis-à-vis des voix dissidentes non conformes avec la doxa officielle pour faire taire et réduire au silence toute critique et tentative d’exprimer un avis contraire au système.
Celles et ceux qui ont porté l’espoir de la révolution il y a 10 ans, militants, défenseurs des droits humains, des jeunes qui aspirent à un meilleur avenir… font aujourd’hui l’objet de traitement punitif précisément parce qu’ils se sont mobilisés pour les droits humains, en se trouvant dans des conditions de détention arbitraires inhumaines et cruelles et une cible des violences, d’attaques, de menaces et de harcèlement.
Dans ce sens, le régime sur place a créé des juridictions spéciales anti-terroristes pour décrédibiliser ces personnes et délégitimer leur cause, en leur faisant passer pour des ennemis d'État et des terroristes afin de justifier des arrestations et des maintiens arbitraires pendant des années.
Pour servir ses fins, le système va créer un système parallèle de justice qui interdit toute justice indépendante. L’utilisation abusive de la juridiction anti-terroriste va permettre aux autorités égyptiennes de faire taire toute voix dissidente, donc toute voix perçue comme menaçante pour le pouvoir va être accusée de faits liés au terrorisme.
“Le nombre très élevé de condamnations est à interpréter uniquement sous l'angle politique, d'une part comme une tentative d'écrasement des Frères musulmans, d'autre part comme une affirmation musclée de l'intangibilité du régime mis en place par Abdel Fattah Al-Sissi”.
S’inscrivant dans cette logique et suite aux conditions déplorables dans lesquelles il était maintenu en détention depuis six ans, Mohamed Morsi, le seul président élu démocratiquement dans toute l’histoire de l’Egypte, va décéder à 67 ans suite à un malaise en pleine audience.
Selon Human Rights Watch, le gouvernement égyptien a privé Morsi de ses droits fondamentaux de détenu, notamment de soins médicaux suffisants et de visites familiales, bien que son état de santé se détériorât de façon visible et qu’il eût demandé à plusieurs reprises à la justice d’avoir accès à un traitement médical. Ce traitement viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et va à l’encontre des Règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies. D’après la Convention contre la torture de l’ONU, les mauvais traitements infligés à Morsi peuvent être considérés comme des tortures.
L’ONG considère que les autorités égyptiennes devraient faire l’objet d’une enquête pour les mauvais traitements qu’elles ont infligé à l’ancien président Mohamed Morsi, décédé le 17 juin 2019 après avoir passé des années sans soins médicaux suffisants.
Pour Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste du Moyen-Orient, ces décisions témoignent de l’état déplorable de la justice pénale en Égypte et ne sont qu’une illustration de la répression sauvage qui est en cours dans le pays. Des condamnations à la peine capitale sont prononcées à tour de bras.
Depuis le putsch militaire du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, nous observons une sorte d’hystérie anti-Frères musulmans, une répression extrêmement brutale à l’encontre de ses dirigeants, mais aussi de ses militants ou même de ses cadres intermédiaires et une régression inédite des droits de l’homme.
En qualifiant les Frères musulmans d’organisation terroriste, dans un contexte moyen-oriental très mouvementé marqué par des chamboulements majeurs, l’appareil militaire a ouvert la porte à tous les abus ce qui explique l’aspect massif de toutes ces condamnations à mort. Il s’agit en effet d'effrayer tous ceux qui seraient tentés de contester le régime.
Les militaires ont peur que le scénario de 2011 se répète, c’est la raison pour laquelle ils mènent une politique répressive très dure. Ils considèrent que la peine de mort pourrait décourager ceux qui voudraient encore contester le régime en place.
Dans cette veine, l'Égypte va atteindre un record en prononçant le plus grand nombre de condamnations à mort recensées dans la région MENA.
Selon Amnesty international, en 2019 quatre pays seulement étaient responsables de 86 % de toutes les exécutions recensées à l’échelle mondiale parmi eux figure l’Egypte à côté de l’Iran, l’Arabie saoudite et l'Irak, notant que ces condamnations à mort ont été prononcées de manière avérée à l’issue de procédures qui n’ont pas respecté les normes internationales relatives à l’équité des procès.
Dans son rapport annuel sur la peine de mort publié le 21 avril 2021, Amnesty International a relevé que le nombre d'exécutions recensées en Égypte a triplé en 2020, ce qui en fait le troisième pays au monde procédant au plus grand nombre d’exécutions après la Chine et l’Iran.
Pour étendre son contrôle, le régime en place va procéder à une mainmise sur l’espace médiatique et la communication, notamment les réseaux sociaux, qui sont surveillés, en raison de leur contribution significative au déclenchement de la révolution de 2011.
“Voulant éviter que l’histoire de 2011 se répète, le président égyptien a pris garde à ne pas sous-estimer la puissance des réseaux sociaux qu’il considère comme les plus grands agents déstabilisateurs du XXIe siècle en créant des unités pour les contrôler. Une loi passée en 2018, sous couvert de lutte contre la cybercriminalité, a entériné la surveillance systématique des réseaux sociaux ainsi que la fermeture des sites internet considérés comme dangereux par le régime”.
Le président Abdel Fattah Al-Sissi doit reconnaître l’ampleur de la crise des droits humains, dont son gouvernement est responsable, et prendre des mesures concrètes afin de la résoudre. Compte tenu de la portée de la crise des droits humains et de l’impunité, et de l’absence de la volonté politique nécessaire afin d’inverser le cours des choses, la communauté internationale doit soutenir les efforts visant à établir un mécanisme de suivi et de signalement au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, en rapport avec la situation des droits humains en Égypte, a déclaré la directrice générale du Secrétariat international d'Amnesty International, Agnès Callamard.
LE RÉGIME AL-SISSI, UN ALLIÉ CENTRAL DES OCCIDENTAUX
Avec sa politique ultra-répressive et autoritaire, il ternit chaque jour un peu plus l’image du régime en place, mais les critiques venues du monde entier n’ont en rien ébranlé le maréchal Al-Sissi, qui se considère comme un rempart à l'islamisme et un allié stratégique pour les Occidentaux.
En effet, les occidentaux possèdent tous les moyens pour faire pression sur le régime Al-Sissi parce que la révolution égyptienne s’inscrit dans les valeurs universelles défendues par la communauté internationale.
Tout au long des trente dernières années, l’Union Européenne avec son processus de Barcelone et toutes les politiques mises en place par l’ONU ont plaidé pour la démocratisation, l’émancipation… et quand la jeunesse égyptienne décide enfin de prendre son destin en main, la communauté internationale rate ce rendez-vous avec l’histoire.
Il faut préciser que la révolution égyptienne va contre toutes les formes de domination non seulement la domination du régime autoritaire mais aussi la domination de l’homme sur la femme et du régime patriarcale, cette révolte se veut l’émanation d’une population qui veut s’émanciper du joug du despotisme… mais au nom du conflit israélo-palestinien, de la lutte contre l’islamisme radical, de la lutte contre le terrorisme et dans la continuité des intérêts économiques la communauté internationale a fermé les yeux sur ces violations flagrantes des droits humains, ainsi ils ont encouragé davantage l’autoritarisme.
Cet autoritarisme va encourager plus l’injustice sociale et la radicalisation car les voies politiques d’expression sont bouchées. En effet le système a fermé toutes les voies d’expression, politiques, médiatiques, de la rue… Le pays est dirigé d’une main de fer militaire.
Le régime despotique d’Al-Sissi se traduit par une limitation stricte des libertés individuelles, politiques et économiques, une captation du pouvoir politique et économique par les militaires, un renforcement constitutionnel du pouvoir du président et de l’armée, des pratiques népotiques…
En dépit de ces dépassements, le régime du maréchal Al-Sissi est soutenu sur le plan international, notamment financièrement, il reçoit plus d’un milliard de dollars de la part des Etats-Unis sans compter le soutien de plusieurs démocraties occidentales et aussi des pays du Golfe.
A l'échelle internationale, l’Egypte se présente souvent comme le garant de la stabilité et de la paix dans le conflit israélo-palestinien de par ses frontières avec Gaza, sans oublier les monarchies du Golfe qui soutiennent à fond le régime Al-Sissi avec des milliards de dollars, parce qu’ils ne veulent pas qu’une alternative démocratique naît et prospère dans ce pays, car ils considèrent que si l’Egypte ouvre la voie à un tel changement c’est tout le monde arabe qui va suivre ce modèle, ce qui représente un risque sur la pérennité de ces monarchies.
“Le dictateur égyptien Al-Sissi durcit de plus en plus son régime mais sait toucher la corde sensible des intérêts européens en se présentant comme un rempart contre le terrorisme et les migrations, un ami d’Israël et un insatiable acheteur d’armes, explique l’ex directeur exécutif de Human Rights Watch dans une tribune au « Monde »”.
Les occidentaux ont une responsabilité partagée dans cette situation désastreuse, en présentant un soutien politique et financier au régime Al-Sissi qui se présente comme un rempart contre le terrorisme et un ami d’Israël, confirmant ainsi que les intérêts des grandes puissances passent au-dessus de toute autre considération et que les décisions d’agir sont sélectives seulement lorsque les intérêts des Grands sont menacés.
CONCLUSION:
Dix ans après la chute du régime Moubarak, la transition politique et économique de l’Egypte achoppe toujours sur une incertitude plus prononcée, une reproduction du régime autoritaire des militaires et un contrôle absolu de la vie sociale, culturelle et économique.
C’est vrai que la transition d’un régime autoritaire à un autre démocratique n’est pas une chose aisée et assurée et peut prendre plusieurs années, c’est un long processus. Normalement les mouvements de transition ne se compter pas sur 5 ans ou 10 ans, mais sur des étapes, or la restauration d’un régime encore plus autoritaire que celui de l'ancien raïs, réprimant toute opposition, islamiste mais aussi laïque, nous amène à se demander si cette expérience de 2011 n’est qu’une parenthèse démocratique qui a été refermée avec le retour du régime despotique d’Al-Sissi.
Entre le marteau de l’armée et l’enclume des islamistes, les égyptiens cherchent toujours leur voie vers l’émancipation et la démocratisation en se libérant du joug militaire.
Webographie:
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