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Trump, l’économie et nous…

Pr.  Najib Akesbi

Trump est de retour. Plus fort que jamais. Plus fou que jamais ? Il aura en tout cas les coudées encore plus franches que lors de son premier mandat, puisque cette fois, il sera quasiment certain d’avoir le soutien du Sénat, de la Chambre des représentants, et même de la Cour suprême... Quand le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire se mettent au service du pouvoir exécutif, qu’appelle-t-on cela ? … Peu importe. À tout le moins, il y a vraiment de quoi s’inquiéter. Mais laissons de côté la scène politique, pour explorer le champ de l’économie.

La première question qu’il faut se poser concerne Trump lui-même. Qui est-il, sur le terrain de l’économie? Un néolibéral partisan de l’économie de l’offre ? Un néoclassique obsédé par la baisse des impôts et l’enrichissement des riches ? Un hétérodoxe, capable d’un interventionnisme typiquement keynésien et d’un protectionnisme que ne renierait ni Friedrich List ni ses héritiers, nombreux et variés ? Ce n’est pas le lieu ici de disserter sur la doctrine économique de Trump et de sa troupe.

Pour faire vite, je dirais que Trump n’est ni libéral, ni classique, ni keynésien, ni orthodoxe, ni hétérodoxe, ni… Il est tout simplement Trumpiste ! c’est-à-dire un businessman, hédoniste, n’ayant pour principal mobile que de servir ses propres intérêts, et ceux des siens, les riches d’Amérique et d’ailleurs. Pour cela, ses communicants et autres marketeurs lui ont trouvé un joli slogan : MAGA: Make America Great Again… En fait, MAGA ou MTGA (Make Trump Great Again) ?

On ne sait trop.

En tout cas, avec une telle configuration au pouvoir dans le pays qui reste le plus puissant de la planète, la question qui s’impose à nous est la suivante : Quelle perspective pour l’économie mondiale, notamment pour nous qui y restons si peu puissant ? On s’en tiendra ici à trois axes majeurs du programme de Trump : le budget, le commerce extérieur et l’environnement.

1. Sous les effets conjugués de la baisse des impôts et de la hausse des dépenses, le programme de Trump annonce des déficits abyssaux : entre 8 et 10 mille milliards de dollars -selon les estimations- sur les dix prochaines années ! Ce déficit ne pourra évidemment être financé que par la dette, laquelle atteint déjà 100 % du PIB. Outre le risque qu'une dette aussi massive représente pour les équilibres financiers mondiaux, un tel besoin d'endettement, boostant la demande d'emprunt, ne pourra manquer de générer une hausse des taux d'intérêt, pour le malheur des pays, déjà fortement endettés, à commencer par ceux du Sud...

De plus, avec des taux attractifs, conjugués à la garantie de la première puissance mondiale, l'Amérique de Trump n'aura guère de mal à drainer vers elle la part du Lion de l'épargne mondiale, réduisant d'autant les possibilités de financement pour le reste du monde. Comment alors minimiser le risque de nouvelles crises financières internationales ? Risque d’autant plus grand que le même programme de Trump promet de nouvelles mesures de dérèglementation des marchés financiers…

2. On sait maintenant que le libre-échange n'a été qu'une fable inventée par les pays du Nord, tant qu'ils étaient gagnants à celui-ci, parce qu'il leur permettait de perpétuer leur domination sur les marchés et les économies du reste du monde. Toute l'histoire du commerce international nous montre que, dès que les « flux gagnants » risquaient de s'inverser, le reflexe protectionniste reprenait ses droits, au mépris de toutes les belles théories échafaudées pour encenser les bienfaits du « village planétaire ». Trump ne fait rien d’autre que confirmer cette règle.

Traumatisé par les progrès fulgurants des pays émergents, Chine en tête, Trump avait dès sa première campagne électorale construit son « MAGA » sur un retour au protectionnisme le plus primaire. Cette fois, iI promet d'intensifier encore plus la guerre commerciale : alors que la moyenne mondiale des droits de douane se situe actuellement à peine autour de 3 %, Trump projette de les relever à 10 % pour tout le monde et tous les produits ! Avec une exception notable pour la Chine, qui aura droit à des droits de douane hauts de 60%...

On peut aisément imaginer que cette dernière ne restera pas les bras croisés, face à une telle hostilité, et de part et d’autre les mesures de rétorsion devraient se multiplier. Déjà quasi-moribonde depuis une vingtaine d'années, l'Organisation Mondiale du Commerce, si elle continue de vivoter, ne pourra que compter les points ! Quant au consommateur américain, la hausse des prix consécutive à celle des droits de douane, conduira à la dégradation de son pouvoir d'achat. Il aura alors tout le loisir de regretter le temps où l'accès aux produits chinois à bas prix lui donnait bien l'impression de vivre au-dessus de ses moyens.

3. En dépit de toutes les évidences que Mère Nature ne cesse de nous jeter à la figure en forme de réchauffement climatique, de sècheresses persistantes, de fonte accélérée des icebergs polaires, de cyclones ravageurs... il existe encore des climato-sceptiques, et Trump en est un de premier plan ! Il pense toujours que le changement climatique est « une des grandes arnaques de tous les temps » ! Il va donc se remettre à déconstruire ce que d'autres ont laborieusement construit. Aux États-Unis, il va revenir sur Ies aides et les subventions accordées par Biden aux activités vertes, et plus encore sur les normes environnementales patiemment élaborées année après année.

Il va sans doute à nouveau relancer la production de pétrole et de gaz de schiste, encourager la reprise d'industries polluantes ... A l'international, il a déjà promis que les USA quitteraient à nouveau le cadre de l’Accord de Paris et, tout comme l'OMC, les « COP » vont continuer à se tenir chaque année, juste pour que « les parties », lèvent leurs bras au ciel en prenant acte de l’ampleur des engagements non tenus... Peut-Il en être autrement lorsque le premier responsable mondial des émissions de gaz à effet de serre ne se sent pas concerné ?!

Et pourquoi les autres « parties » feraient les efforts nécessaires, si la plus importante n'en fait aucun ? il suffit de voir dans quelles conditions de morosité, de scepticisme, voire de boycott, la 29ème COP se déroule en ce mois de novembre 2024 en Azerbaïdjan, pour prendre la mesure des désillusions en cours et à venir... En somme, tout le monde va dans le mur, consciemment !

14 novembre 2024

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