Il est symptomatique que la Banque mondiale, à la lecture de son dernier Mémorandum intitulé « Le Maroc à l’horizon 2040 », donne l’impression d’avoir, aussi, pris conscience des limites du modèle de développement au Maroc, et recommande à ce dernier de le revoir.
Or, si le concept de développement est appliqué à une réalité humaine en désignant le progrès économique, social, culturel et politique, dont le but est l’amélioration de la qualité de vie, l’acception du terme modèle dénote souvent l’archétype ou le point de référence pour son imitation ou reproduction. En ce sens, un modèle est un exemple à suivre du fait de sa perfection. Il est un schéma théorique d’un système ou d’un cadre de référence pour ceux qui ont la charge d’élaborer les politiques publiques d’un pays. Cependant, la réussite d’un modèle dépend de nombreux facteurs: même s’il a bien marché dans un quelconque pays, cela ne veut pas forcément dire qu’il sera une réussite dans un autre. Les contradictions objectives et les antagonismes inhérents à son fonctionnement dans les différents contextes de sa transposition nécessite une actualisation qui soustrait souvent le modèle de sa cohésion. C’est la raison pour laquelle, dans le présent article, nous adoptons la notion de système et, encore plus, stratégie de développement pour sa souplesse de mise en place, que le terme modèle, beaucoup plus teinté, à notre sens, par la rigidité et le renoncement.
On assiste durant les dix dernières années à un foisonnement d’études sur l’économie marocaine. Il s’agit toutefois moins de travaux universitaires, non publiés pour la plupart d’entre eux, que de rapports officiels. Ces derniers sont produits par l’Etat ou surtout pour son compte (administration, établissements et entreprises publics, collectivités locales, etc.). Dans le premier cas, il y a lieu de mentionner en particulier deux travaux inédits de plusieurs milliers de pages publiés à une année d’intervalle (2006, 2007): - Le rapport sur le cinquantenaire préparé sur instructions royales (50 ans de développement humain-perspectives 2025: 16 rapports transversaux, 1 rapport général, une synthèse générale, 75 contributions individuelles et «150 intellectuels» dont beaucoup, il importe de le souligner, mangent à tous les râteliers); - L’étude « prospectives Maroc 2030» préparée sous l’égide du Haut Commissariat au Plan (25 rapports sous-traités en partie à des consultants étrangers et dont bon nombre font double emploi avec le rapport sur le cinquantenaire). A ces travaux ponctuels s’ajoutent, sans être largement accessibles, ceux régulièrement commandés par les divers appareils d’Etat dans le but d’éclairer la décision publique. En matière de politique économique, financière et commerciale, l’Etat sollicite fréquemment l’intervention de multinationales du conseil dont
A l’heure où il est question de mettre en place un « nouveau modèle de développement », nous pensons qu’il serait utile de clarifier les choses pour savoir au juste de quoi on parle et cadrer le débat sur le plan conceptuel. Car les termes et les concepts ont bien un sens et une portée. Et c’est en respectant le sens des termes utilisés qu’on arrive à communiquer et à s’entendre.
Le constat et les questions que tout observateur objectif se posait depuis de nombreuses années à propos de l’économie marocaine sont connus : Un PIB de 110 à 120 milliards de dollars (soit à peine 0.14% du PIB mondial) ; Un PIB par tête de 3000 dollars, ce qui le situe au-delà du 120ème rang parmi les nations ; Un rythme de croissance à la fois volatile (au grès des aléas climatiques et de leur impact sur la production agricole) et faible (3 à 4% en moyenne sur la dernière décennie2) ; Un effort d’investissement, largement public, qui ne génère suffisamment ni croissance ni emplois ; Un commerce en déficit structurel qui témoigne de l’état d’un pays important à peu près le double de ce qu’il exporte ; Un déficit de financement croissant et un niveau d’endettement de plus en plus inquiétant...