Photo : la ville de Gaza en 2022 et après le génocide en cours. Photo satellite. WAFA Agence de presse palestinienne.
1. les valeurs du monde occidental aujourd’hui
D’où proviennent les valeurs de l’Occident aujourd’hui ?
Les valeurs fondamentales des sociétés modernes occidentales trouvent leur origine dans la philosophie des Lumières, apparue en Europe au XVIIIe siècle. Ce mouvement intellectuel, profondément humaniste, repose sur la raison, l’observation et le désir de comprendre pour expliquer le monde selon des principes rationnels. Son objectif était de transformer la société afin d’améliorer la condition humaine. Inspirés par les concepts de droits de l’homme, de liberté, d’égalité, de tolérance et de séparation des pouvoirs, les penseurs des Lumières se sont insurgés contre les systèmes politiques et religieux en place, qu’ils ont activement remis en question.
Ce courant de pensée, en quête de modernité, puise dans plusieurs traditions intellectuelles. Il s’inspire d’abord de la pensée gréco-romaine antique, qui a introduit les idées de démocratie et de république, ainsi que de la Renaissance et du développement des sciences dès le XVIe siècle. La Réforme protestante a également contribué à l’émergence des Lumières en remettant en cause l’autorité des Églises et en prônant une lecture individuelle des textes sacrés.
2. La révélation comme référent absolu des valeurs
- Pourquoi y a-t-il une révélation, parachevée aujourd’hui par la dernière religion qui clôt le cycle de la Prophétie ?
Dieu se révèle aux hommes afin qu’ils puissent Le connaître, et cette révélation s’accompagne de valeurs transcendantales, que nul être humain ne peut générer de lui-même. Ces valeurs reposent d’abord sur la crainte de Dieu, puis sur l’amour de Dieu. Par conséquent, la foi véritable exclut nécessairement l’hypocrisie, car la sincérité en constitue la pierre angulaire. Une telle foi, ancrée dans le Dieu véritable, devient ainsi irréversible.
De même, une justice authentique est invariablement juste, car elle trouve sa source dans la foi en Dieu, incarnation même de la justice divine, et ne peut être corrompue. Ces valeurs permettent de vivre en harmonie avec soi-même, en tenant compte de la perspective de la mort, laquelle mène à un au-delà réservé à ceux qui ont défendu et incarné ces principes.
3. La relativité des valeurs fondées sur la seule raison, elle-même relative
- Pourquoi les valeurs issues de la raison ne peuvent-elles être solidement ancrées et sont-elles susceptibles de changer selon les intérêts ou sous l’influence des passions ?
La raison et l’intelligence, en tant que productions humaines, sont par nature relatives. Par conséquent, toute idée qui en découle est également relative, à l’opposé de la justice, qui est l’expression de l’attribut divin du Juste et donc absolue. Les idées issues de cette raison relative peuvent être détournées ou corrompues. Lorsque la crainte ou l’amour de Dieu fait défaut, ces valeurs ne sont plus solidement ancrées. Elles s’affaiblissent, devenant instables et vulnérables aux caprices des passions de l’âme et des intérêts personnels, tel une girouette tournant au gré du vent.
4. La révélation ne suffit pas à prémunir contre la corruption des valeurs
- Les valeurs religieuses sont-elles toujours à l’abri des dérives humaines ? Autrement dit, les valeurs issues de la révélation sont-elles immunisées contre la corruption ou les abus ?
Non, si l’homme qui détient la révélation est lui-même corrompu. Oui, si celui qui la porte possède un cœur et un esprit intègres. En effet, si celui qui la détient a le cœur et l’esprit sains, les valeurs issues de la révélation demeurent immuables. Cependant, leur mise en œuvre dépend entièrement de la vertu morale de ceux qui les interprètent et les appliquent. Autrement dit, la pureté ou la corruption des valeurs ne résulte pas de leur origine divine, mais de l’homme qui en fait usage. C’est pour cette raison que, dans l’Islam, la sainteté est considérée comme une garantie d’intégrité et d’incorruptibilité dans l’application des valeurs divines. Ainsi, l’importance d’un guide ou d’un compagnon spirituel devient évidente, car il aide à préserver ces valeurs transcendantes de toute déformation et à les appliquer fidèlement.
5. L’issue potentielle des valeurs fondées sur la seule raison
- Jusqu’où peuvent aller ces valeurs issues de la raison, changeantes et fluctuantes ?
Ces valeurs deviennent sans limites lorsqu’elles sont détournées. Elles en viennent à inverser la signification même du bien et du mal, à justifier et valoriser les plus grandes injustices, et à banaliser la mauvaise foi, qui n’est même plus perçue comme honteuse. L’injustice, qu’il devient tout aussi acceptable de défendre ouvertement que de dissimuler à l’humanité, est alors érigée en “vérité” de la condition humaine. Nous finissons par croire en la légitimité d’un monde fondé sur l’iniquité, au point de l’accepter comme notre propre réalité fraternelle et humaine. À leur extrême, ces valeurs fluctuantes mènent à un état de dérive totale où règne un esprit voyou, soumis uniquement à la loi du plus fort. C’est l’avènement de la “voyoucratie”, un système où l’esprit voyou domine et impose sa loi, marquant ainsi le triomphe de la corruption morale.
6. Les leçons de l’histoire ou le devenir des sociétés qui ont connu une dérive des valeurs
- Quelles sont les conséquences d’un tel développement pour les sociétés qui subissent cette altération des valeurs ? Existe-t-il des exemples historiques qui pourraient nous éclairer à ce sujet ?
Un tel mouvement engendre des conséquences troublantes pour les sociétés confrontées à une altération des valeurs : lorsque les notions de bien et de mal s’embrouillent ou s’inversent, les fondements éthiques, judiciaires et communautaires s’effondrent. La mauvaise foi, devenue la norme, et la banalisation de l’injustice conduisent à une décadence morale. La confiance dans les institutions s’érode, leur légitimité est remise en cause, et la société se retourne contre elle-même. Sur ce terrain fertile à la corruption, une “voyoucratie” émerge, où la délinquance règne, parfois structurée autour d’un chef et d’un groupe, menant à l’oppression, aux inégalités et aux abus de pouvoir. Ce climat favorise l’anarchie ou ouvre la voie à des régimes autoritaires, qui prospèrent sur le chaos et l’instabilité.
Les principes solides qui constituaient autrefois la matrice des générations passées étaient le fruit de l’expérience des manques et des luttes. En revanche, les nouvelles générations, notamment parmi les intellectuels, semblent se complaire dans une forme de confort matériel, dépourvues d’un engagement véritable. Elles ne paraissent plus attachées aux notions d’honneur, de dignité, ni à la défense des idéaux démocratiques et sociaux. Leur désintérêt pour ces enjeux essentiels reflète une perte des valeurs qui structuraient autrefois les sociétés. Pourquoi ? un mélange complexe de peur et de complaisance dans un confort matériel et de prestige (reconnaissance préservée).
La démocratie française est depuis longtemps le fruit d’un combat incessant, porté par la vigilance des citoyens et marqué par des luttes historiques qui ont souvent exigé de lourds sacrifices. Cet héritage est aujourd’hui compromis par l’influence grandissante de certains lobbies qui ont pris le contrôle de l’État, imposant une gestion autoritaire des libertés. Ils musèlent les consciences, intimident les esprits critiques, et récompensent toutes formes de servilité à leur profit. Cette prise de pouvoir menace les fondements mêmes de la démocratie en étouffant le débat et en manipulant les institutions.
Un exemple historique pertinent de cette dégradation des valeurs et de leur inversion est la chute de l’Empire romain. À mesure que les principes de vertu civique et de justice s’érodaient, la corruption a gangrené les élites politiques et militaires. Les valeurs fondamentales ont été perverties, laissant place au favoritisme, à l’injustice et à un déclin moral général, qui ont précipité la désintégration de l’État et l’effondrement de l’Empire.
Il en fut de même pour la Révolution française durant la période de la Terreur. Ce mouvement d’émancipation, fondé sur les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité, sombra dans la violence sous la direction de Robespierre. La violence fut alors légitimée au nom de la vertu, bouleversant les droits et devoirs en matière de justice et d’éthique, et engendrant une ère de terreur et d’injustice. On était soupçonné, pour un oui ou un non, d’être contre-révolutionnaire et condamné à la guillotine. Les comportements ou discours perçus comme réactionnaires, tels que l’expression publique du mécontentement face aux décisions du Comité de salut public, pouvaient déjà mener à une dénonciation. Étrange parallèle avec la France d’aujourd’hui, où l’expression d’indignation face à un génocide ou son soutien peut conduire à l’arrestation et au jugement du manifestant pour accusation d’anti sémitisme. Ainsi, un projet révolutionnaire (1789) initialement conçu pour libérer l’individu a paradoxalement conduit à la répression, dévoyant les idéaux révolutionnaires au profit d’une gouvernance autoritaire.
La réflexion sur ces situations, et on pourrait aisément allonger la liste des exemples historiques, montre clairement que lorsque les valeurs deviennent instables et sont redéfinies selon des intérêts circonstanciels, les sociétés se trouvent menacées par la violence, l’injustice et la désagrégation. Ces pages de l’histoire nous rappellent que des valeurs qui ne sont ni stables ni transcendantes servent souvent de vecteurs à l’instabilité, à l’oppression et au chaos. Elles soulignent l’importance de principes solides et intemporels pour assurer la cohésion et l’équité au sein des sociétés.
Une autre conséquence est que ces sociétés ne peuvent plus servir de modèle ou de guide pour d’autres nations. Elles ont perdu toute légitimité et crédibilité pour donner des leçons en matière de droits de l’homme et de libertés. Même leur modèle politique de démocratie chanté sur tous les toits ne trouve plus d’écho. Comme le dit un proverbe marocain : « Si les pêches pouvaient guérir, elles se guériraient elles-mêmes. »
7. La fascination des sociétés musulmanes pour les valeurs occidentales
- Dans quelle mesure la fascination des sociétés musulmanes pour les valeurs occidentales, et l’éloignement progressif des principes ancrés dans leur propre tradition religieuse, représentent-ils un danger majeur pour leur survie spirituelle ?
L’intérêt marqué pour des valeurs qui, bien que célébrées par les tourments de l’histoire, ont continuellement prouvé leur non-universalité, tant dans le passé qu’au présent, est une dangereuse illusion. Ces valeurs sont souvent abandonnées dès lors qu’il s’agit de groupes humains marginalisés ou non reconnus dans l’échelle définissant les humains véritables. Elles se substituent à la construction solide, durable et intemporelle que constitue la foi ancrée dans l’âme. À la place, on érige un ensemble de valeurs précaires et éphémères, semblables à du sable façonné sur une plage, prêtes à être balayées au moindre changement de circonstances et d’intérêts.